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Le Jardin Catalan de Georges Badin et Michel Butor, Galerie Berthet-Aittouarès, Paris, 2000

Interpicturalité

Еn littérature

L’idée d’intériorité, étudiée plus haut est explicite : « Me peignant pour autruy je me suis peint en moy de couleurs plus nettes que n’estoyent les mienne premieres. » / II, 18, p.452 /. Le vide autour du tableau, qui est mentionné ainsi que le tableau dont le peintre n’est pas fixé mènent à l’indétermination du portrait. Il reste à l’état de croquis qui change comme le propre être de Montaigne, la suite des croquis est interminable. p 152

En peinture

Dans le cadre du paragone des arts à la Renaissance, Léonard de Vinci tient ce propos :

Le peintre doit tenir compte de dix considérations pour conduire son œuvre a bonne fin, à savoir : lumière, ténèbres, couleurs, volume, figure, emplacement, distance, proximité, mouvement et repos.

Le sculpteur ne doit considérer que volume, figure, emplacement, mouvement et repos. Des ténèbres et de la lumière, il n’a pas à se préoccuper, parce que la nature elle-même les produit dans ses sculptures. De la couleur, non plus. De la distance et de la proximité, il se préoccupe médiocrement. Il recourt à la perspective linéaire, non à celle des couleurs, malgré les variations que subissent avec la distance de l’œil les couleurs et la netteté de contours des figures.

La sculpture est d’un discours plus simple et demande moins d’efforts à l’esprit que la peinture.

Léonard de Vinci, Traité de la peinture, Codex Urbinas, 1495-1499

Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus jouant avec un agneau, 168,4 × 130 cm, 15031519, Musée du Louvre, Paris.

Dans Les Mots dans la peinture de 1969 Butor plaide en faveur des mots dans la peinture tout en parsemant son texte d’une riche constellation d’exemples représentant d’innombrables configurations de sens que reproduisent les deux arts en connivence. Il ouvre le chemin, en enlevant la barrière qui sépare la peinture et la littérature.

L’interpicturalité dans la sémiotique de l’art, Aracne editrice, Rome, 2019, p.73

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Le Jardin Catalan de Georges Badin et Michel Butor, Galerie Berthet-Aittouarès, Paris, 2000

L’inscription du texte dans l’image le rend sémiotiquement pictural car les mots eux-mêmes deviennent des signes picturaux. La plus grande création artistique repose sur l’étincelle créatrice du Saint Esprit, Sa grâce se déverse dans des œuvres de façon interartistique où il y a une interaction entre les arts, et ce sont ces œuvres-là qui expriment l’essence Divine. Dans sa peinture à sujet biblique, le pasteur Maria Balova-Petrova écrit des versets des Saintes Écritures, ce qui la rend à la fois interartistique et interpicturale.  

Maria Balova-Petrova, La Prière, peinture acrylique sur toile, Sofia, 2023

Claude Monet, les Coquelicots, 1873, huile sur toile, 50X65, Paris, Musée d’Orsay.

En peinture, littérature, musique, cinéma

     C’est en réalité une autre image – qui se dessine et que l’on dit à travers la musique que lui inspire l’odeur des aubépines. Comme il y avait deux images qui se superposaient l’une à l’autre – dans ce cas nous parlons dinterpicturalité. Sous l’influence de la musique – l’effet devient intermusical et finalement interartistique car il y a une triple interaction – celle de la littérature à travers le texte de Proust, celle de la musique qu’il entend et par conséquent il nous fait entendre, celle de la peinture qui se superpose à ces deux images. C’est ici le moment de parler du signe triadique de Peirce. Objet – Representamen – Interprétant. L’Interprétant prolifère car les images du signifiant prolifèrent dans notre esprit. Et au fondement, il y a le symbole, l’Esprit Pur, Dieu, la forme-même qui dégénère ce nombre d’images interminable. Les musiques que le narrateur entend d’ailleurs font en sorte que l’image prolifère dans l’infini. Proust le dit lui-même « profusion inépuisable. » Le texte littéraire de Proust, en tant que Representamen de l’objet dans la réalité / immédiat ou dynamique / devient l’Interprétant d’une peinture, celle de Monet, Les Coquelicots, et de La Belle Île (pour les différentes parties du texte de Proust) qui à son tour, en tant que Representamen du texte littéraire se transforme en l’Interprétant d’une musique (La mer de Debussy) et ainsi de suite, suivant le contexte dans lequel on se trouve. L’objet immédiat est contextuel. Nous assistons à une pluralité de Representamen. Ainsi le texte de Proust est un Representamen polysémique, il se transforme en peinture et en musique.  

L’interpicturalité dans la sémiotique de l’art, Aracne editrice, Rome, 2019, p. 22-23

En littérature

Le texte se termine sur une pointe comme dans un tableau, un dernier trait plus fort, un accent que le peintre pose afin de définir mieux son tableau, on peut penser aussi à la baguette du chef d’orchestre qui s’élève en crescendo ce qui est manifesté par le verbe s’écrie. Et le narrateur profère La mer ! C’est comme si c’était une révélation qu’il nous faisait découvrir à travers cette pointe finale.

L’interpicturalité dans la sémiotique de l’art, Aracne editrice, Rome, 2019, p. 22-23

En musique

La mer, Claude Debussy

La musique recrée l’image de la mer, c’est l’intermusicalité.

L’interpicturalité dans la sémiotique de l’art, Aracne editrice, Rome, 2019, p. 22-23

Claude Monet (1840-1926)
Les rochers de Belle-Ile, la Côte sauvage
1886, Huile sur toile, 1,059 × 867, Musée d’Orsay

En peinture

Le tableau change totalement de sujet et de couleur, de tonalité. L’interprétation devient oblique, c’est le verso du tableau – le signe qui devient signifiant change de signification. Cela se passe quand il contemple le coquelicot qui flotte au vent dont la bouée noire se transforme en marine. L’image terrestre bascule vers une image maritime. On peut lire ici encore une couche biblique. La terre – jaune et la mer – bleue mais d’un autre côté ils font fusion quand la mer bleue touche le ciel bleu. Le bleu qui prédomine signale le fondement spirituel du monde. Cette image de la mer bascule vers une autre interprétation, cette fois-ci externe où la touche de Monet est aussi bien présente que pour les images internes au texte proustien. Il s’agit du tableau de Monet, Les Rochers, la Belle Île.

L’interpicturalité dans la sémiotique de l’art, Aracne editrice, Rome, 2019, p. 22-23

En littérature

Les blés du texte proustien font écho aussi aux Coquelicots de Monet, encore un tableau. Cela se réalise comme sur une bande cinématographique grâce aux bandes textuelles qui font évoluer les cadres changeants.  C’est l’intercinématographique, si l’on pense aux impressions changeantes des peintures impressionnistes tout au long de la journée, chez Monet, dans ses Cathédrales de Rouen.

       Grâce à la lumière, le réel change de couleurs (Laneyrie-Dagen Nadeije, Lire la peinture dans l’intimité des œuvres, Larousse., Paris, 2015, pp 239-241) maintes fois par jour. Nous pouvons relever chez Proust tout bourdonnement de l’odeur des aubépines. Dès la première phrase, on voit une triple sensation qui se dégage à l’interprétation – bourdonnement (musique) odeur (parfum) aubépine (peinture / littérature). L’image religieuse qui se dessine est en conformité avec l’analyse biblique à un supra niveau, nous verrons plus loin avec la présentation du phénomène interartistique.

L’interpicturalité dans la sémiotique de l’art, Aracne editrice, Rome, 2019, p. 22-23